À Bordeaux, des transports verts pour un meilleur air ?

 

Tram, VCub, Bluecub : les transports publics de Bordeaux se sont mis au vert. De quoi en faire l’endroit idéal pour prendre un bon bol d’air ? Pas si sûr… La mise en service de moyens de locomotion propres a permis une certaine amélioration de la qualité de l’air. Cependant, le taux de particules en suspension émises dans l’atmosphère ont tendance à stagner ces dernières années. Décryptage.

 

En 2003, l’arrivée du tram a bouleversé les habitudes des bordelais. Mais au delà de son côté pratique, cette petite révolution a surtout permis de limiter l’émission de dioxyde d’azote (NO2) dans l’air, un polluant produit à 62 % par le trafic routier en Aquitaine. Toxique, il est décrit comme « le polluant majeur de l’atmosphère terrestre » par l’Association Nationale pour la Préservation et l’Amélioration de la Qualité de l’Air.

Airaq, l’organisme qui mesure la qualité de l’air en Aquitaine, dispose de neuf capteurs sur l’agglomération bordelaise. Nous avons choisi d’en retenir quatre (Bastide, Gambetta, Grand Parc et Mérignac). C’est à proximité de ces quatre capteurs qu’on a pu observer des modifications au fil des quinze années étudiées avec notamment l’arrivée du tram.

 

Comme le prouve l’analyse des données recueillies, le taux de NO2 n’a cessé de diminué depuis la mise en place du tram. Sur la rive droite à Bordeaux-Bastide, par exemple, les capteurs d’Airaq montrent que le taux de NO2 est passé de 35 microgrammes par mètre cube en 2000, à 25 microgrammes par mètre cube aujourd’hui.

Une nette diminution confirmée par les données enregistrées à Gambetta. De 53 microgrammes, le taux de NO2 dans l’air est passé 42 microgrammes par mètre cube en 2005, soit une baisse de plus de 10 microgrammes. Des diminutions qui vont de pair avec la baisse de la circulation dans ces secteurs de la ville.

Halte aux particules fines

Même si le dioxyde d’azote a baissé, d’autres polluants sont présents dans l’air bordelais. Notamment les particules fines de moins de 10 microns, les PM10. Et en 15 ans, malgré l’arrivée du tram et le développement des vélos en libre service VCub, censés désengorger les routes, le taux de PM10 présent dans l’air à Bordeaux a stagné.

 

C’est le cas à Bastide. En 2000, le taux de d’émission de PM10 dans l’air était de 26 microgrammes par mètre cube, c’est-à-dire le même taux que celui mesuré cette année par Airaq. Et même au niveau du capteur de Gambetta, le seul qui enregistre une baisse visible, la variation est minime.

De 29 microgrammes émis en 2000, le taux enregistré en 2015 n’est descendu qu’à 26 microgrammes. Soit une baisse d’à peine 3 microgrammes par mètre cube sur 15 ans. Un constat préoccupant alors que les scientifiques mettent en garde depuis plusieurs années sur la dangerosité des particules fines.



 

Les voitures principales coupables

 

Le trafic automobile n’est pas l’unique responsable des émissions polluantes urbaines. Comme le souligne Myriam Janin, maître de conférence en géochimie isotopique à l’université de Nîmes, les particules polluantes peuvent aussi avoir une origine naturelle : « Par exemple, sous l’effet des vents, des petites poussières de roches vont être arrachées aux reliefs et de la poussière provenant du sol va être remise en suspension. Des facteurs naturels dont on ne peut pas s’affranchir. »

Malgré tout, la pollution humaine est prépondérante. Les études montrent qu’un « grand nombre de polluants sont émis à proximité des infrastructures routières, et proviennent non seulement des émissions à l’échappement des véhicules mais aussi d’autres sources telles que l’usure des pneus et des freins, les technologies de climatisation du véhicule, l’usure des voies routières et l’entretien de leurs abords » précise Airaq. L’automobile et l’optimisation des modes déplacement constituent donc un enjeu crucial pour réduire la pollution.

La forte circulation sur la rocade, ainsi que le passage soutenu de poids lourds, font partie des problématiques propres à l’agglomération bordelaise. Elle essaye de s’y adapter et fait figure de « bon élève au niveau national » sur le plan de la qualité de l’air, reconnaît Franck Laval, le président de l’association Écologie Sans Frontière.

Comment agir sur la qualité de l’air ?

Amélioration du réseau de transports en commun, développement de pistes cyclables ou encore mise à disposition de vélos et voitures en libre service : on connaît l’arsenal utilisé par les métropoles contre la pollution. Bordeaux, qui met en oeuvre un Plan de Protection de l’Air (PPA) entré en vigueur depuis 2012, prend le sujet au sérieux.

  • 2003 : Tram
  • 2010 : VCub
  • 2012 : Bus hybrides
  • 2014 : Bluecub

Tout en ayant voté en faveur ce plan, les élus Europe Ecologie Les Verts réclament l’adoption de nouvelles mesures lors des pics de pollution, telles que la gratuité totale des transports en commun, la mise en place d’une circulation alternée des véhicules diesel ou encore une réduction de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée sur la rocade.

La relative stabilité des taux de pollution aux particules fines observée localement pose question. De quelle manière peut-on continuer à progresser en la matière ? Pour Franck Laval, c’est une évidence, à condition d’en avoir la volonté : « C’est ridicule de dire qu’on ne peut rien faire contre la pollution ! Ce n’est pas facile : il y a des implications économiques et sociales fortes, c’est une évidence. Mais la pollution a globalement une source humaine, donc on peut toujours améliorer les choses ».

 



 

Hanquet Anaïs
Matti Faye
Yacine Taleb