Carton vert pour le Nouveau Stade de Bordeaux

Il y a une règle à laquelle un stade de football neuf ne peut plus déroger aujourd’hui : l’éco-responsabilité. Photovoltaïque, pelouse auto-régulée ou récupération des eaux de pluie, avec ses 42 000 places, le Nouveau Stade de Bordeaux joue plutôt bien le jeu par rapport à d’autres grands stades en France.
 

Ce fut une longue campagne de communication : « Le stade de Bordeaux réussira le pari écologique », « l’intégration environnementale est un point fort de cet édifice », ont tour à tour expliqué la municipalité de Bordeaux, le groupe Vinci-Fayat en charge de la construction du Nouveau Stade de Bordeaux et le Club des Girondins qui sera son principal locataire.

Quand on le compare au mythique Parc Lescure, ce bâtiment est un monstre. Beau ou pas, à chacun d’en juger. Mais est-il « propre », « écologiquement responsable » ? Les critères sont ici plus objectifs.

Imaginez que vous y entriez pour la première fois. En tant que novice, vous estimez que l’édifice doit consommer trois mille fois plus d’électricité que ce bon vieux Chaban-Delmas. « Nous sommes au XXI° siècle ! » vous souffle votre cousin « les stades d’aujourd’hui répondent à un cahier des charges précis et ne peuvent pas faire fi de l’écologie ! »

Photovoltaïque : le Nouveau Stade à la traîne

Enfin, vous voilà installé. Aujourd’hui il a fait doux sur tout le sud-ouest mais le soleil vient de se coucher. Le match va commencer dans 2 heures. Les Girondins affrontent l’OGC Nice pour le compte de la troisième journée de Ligue 1.

Un match qui va se situer sur la pelouse, mais également sur le toit du stade comme vous le rappelle votre cousin : « Sais-tu que de plus en plus de stades de foot installent des panneaux photovoltaïques au dessus de nos têtes ? ». Votre voisin de droite précise : « Ici, il paraît qu’ils ont installé 700 m2 de panneaux solaires au dessus de la tribune Nord, mais ce n’est rien comparé à nos adversaires du jour, à Nice ils en ont 7 000 ! »

Les Niçois peuvent effectivement se targuer d’être les champions de France du photovoltaïque, leur Allianz Riviera est le stade de football qui possède la plus grande installation solaire de France.

Fier de votre club, vous êtes vexé, vous vous demandez si vos panneaux ne sont pas plus efficaces, après tout il ne suffit pas d’accumuler les mètres carrés. Ne vous méprenez-pas, si la société SBA (filiale de Vinci en charge de l’exploitation du stade) ne souhaite pour l’instant pas communiquer de chiffre de projection de la production électrique annuelle du stade : elle se trouvera vraisemblablement bien en dessous de l’Allianz Riviera.

La puissance d’un panneau solaire se mesure en kilowatt crête, une optimisation des conditions de la production. Si la puissance des panneaux solaires de Bordeaux se trouve proche de 100 kWc, comme l’affirme une source proche du conseil municipal, la production annuelle devrait approcher les 70 000 Kw/h par an. La nouvelle antre des Girondins se trouverait alors dans la moyenne basse des stades modernes…

Eclairage : Bordeaux peu économe

Le match commence, vous vous trouvez toujours en gradin. La pelouse est éclairée depuis bientôt deux heures.

Cette verdure si bien mise en lumière vous remémore vos meilleurs moments de football. Vous pensez à 1998, à la finale victorieuse pour les Bleus au stade de France, vous y étiez. Votre regard ne trompe pas, votre cousin comprend immédiatement à quoi vous pensez. Fan de statistiques, il vous informe : « Sais-tu qu’un soir de match au stade de France mobilise près de 5000 kW pour le plaisir de nos yeux ? ».

Votre cousin a raison, vous sortez de votre nostalgie pour réfléchir à ce nouveau stade bordelais. L’aire de jeu est éclairée selon les normes de la Fédération internationale de football. Pour que le spectacle soit complet, la Fifa demande une puissance de 2300 lux.

Le Stade Bordeaux Atlantique est donc soumis à ce règlement pour ses soirs de matchs. Avec ses 556 luminaires d’une puissance de 2400 watts chacun, on peut estimer que l’éclairage de la seule surface de jeu mobilise un peu plus de 2000 kW pour quatre heures (avant-match, match et après-match).

Bordeaux consomme moins que le stade de France, mais pour ce qui est des autres villes de France, le Nouveau Stade est loin d’être le plus économe…

Potentiellement auto-suffisant ?

La pluie fait son apparition. « Tant mieux, ils n’auront pas besoin d’arroser », dit tout haut un spectateur quelques rangs plus bas. Vous trouvez cela pertinent, mais votre cousin vous informe que « de toute façon, ils ont prévu le coup, il paraît que ce stade peut récupérer l’eau de pluie ». L’information est juste, le nouveau stade est équipé de 4 cuves de 200 m3 pour récupérer l’eau de pluie.

Céline Cluzel, directrice de la communication du stade, affirme que l’objectif doit être l’autosuffisance : « Nous espérons pouvoir arroser la pelouse uniquement à partir des eaux récupérées dans nos cuves, mais de toute façon, l’eau n’est pas un problème, on a quand même le lac juste à côté ». Impossible pour l’heure de savoir si le stade parviendra à ne pas puiser dans les réserves d’eau extérieures.

Pelouse : une isolation prometteuse

Il ne pleut plus, les Girondins mènent deux-zéro à la soixantième minute de jeu. Une superbe combinaison sur le côté droit amène le troisième but. L’action de toute beauté est décryptée par votre cousin : « C’est une succession de passes qui n’aurait jamais eu lieu si la pelouse n’était pas aussi belle ! » La pelouse est belle, c’est vrai.

La directrice de la communication de SBA est catégorique : « Notre pelouse n’est pas chauffée, elle est auto-régulée ». La nuance existe, une pelouse autorégulée est une pelouse dont on maintient la température à un certain degré. Le mécanisme de Bordeaux est fait pour conserver le pré à 6 degrés. Vincent Savourat de la société ATE, consultant pour la conception de la pelouse du Nouveau Stade, a également travaillé sur la pelouse du stade Océane du Havre : « Il y a des différences entre les deux technologies. Le Havre est également auto-régulé. Cette pelouse a consommé 6 900 kW/h cette année, on ne peut pas vraiment savoir combien ce sera pour Bordeaux mais la différence de technologie joue en faveur de la pelouse girondine, l’isolation du chauffage est meilleure », explique-t-il.

Partout dans l’hexagone, Vincent Savourat travaille en étroite collaboration avec la Ligue de Football Professionnel. Aujourd’hui, il explore de nouvelles possibilités pour que les stades consomment moins ou produisent plus. Un procédé de production d’électricité à partir des déchets de tonte est dans ses projets. Les stades éco-responsables ont de beaux jours devant eux.

Mais Bordeaux est bien loin d’en être le meilleur exemple.

Robin Piette, Angy Louatah et Quentin Fruchard