Les jeunes refroidis par leur facture d’énergie

Attendre décembre pour allumer le chauffage, l’éteindre quand ils sont sortis, le mettre au minimum le soir, les jeunes ne sont jamais à court de stratégies pour diminuer leur facture d’énergie. Mais quand ils cherchent un logement, c’est comme s’ils l’oubliaient. Et ils en paient le prix.

 

Si vous mettez un ou deux (ou quatre) pulls de plus pour ne pas monter le chauffage l’hiver, vous n’êtes pas le seul. Selon un rapport de l’Insee de mai 2011, un ménage de moins de 30 ans sur quatre a froid dans son logement, alors qu’en moyenne, en France, le froid ne concerne qu’un ménage sur sept.

Pourquoi ? Les jeunes préfèrent baisser le chauffage pour ne pas avoir une trop grosse facture à la fin du mois. « Ils ne reviennent chez eux que pour dormir, donc ne voient pas l’utilité de chauffer et se retrouvent avec des températures de 10-12° C dans leur appartement », explique Martin Cohen, qui a dirigé le diagnostic de lutte contre la précarité énergétique en Aquitaine pour la boîte Burgeap.

Mais, comme il le fait remarquer « tout peut changer d’une région à l’autre, d’une commune à l’autre ». Et c’est ce qu’on voit sur cette carte des douze plus grandes aires urbaines françaises, classées de la situation la plus difficile pour les jeunes à la plus confortable.

 

« C’est déjà trop dur de trouver un appart »

Quand les jeunes choisissent un logement, la qualité énergétique est rarement leur priorité. Cassandra, une étudiante grenobloise de 22 ans, n’a « absolument pas » pris en compte ce critère quand elle a voulu trouver un appartement. « C’était déjà trop dur d’en trouver un ! » Avant tout, elle a regardé « les loyers, la proximité de mon école, du centre et la superficie ». Alors elle s’est retrouvée avec 47,5 € d’électricité par mois, soit 15 % de ses revenus.

« Les étudiants ne font pas forcément attention à ce qu’ils louent parce qu’ils n’y restent que 6 mois, 1 an. Après, ils voient arriver une facture énergétique super élevée et se retrouvent en précarité énergétique alors qu’ils ne l’avaient pas forcément anticipé », analyse Martin Cohen.

 

Logements types : le tout électrique pour les jeunes

Pour chaque ville, sont indiqués les combustibles, les types de chauffage
et les dates de construction des logements les plus fréquents.
Source : Recensement – 2011, INSEE

 

L’électricité est une solution plus consommatrice d’énergie pour se chauffer, et donc plus coûteuse, que le gaz de ville. Seul un ménage sur 14 se chauffant au gaz de ville (7,2 %) est touché par la précarité énergétique, alors que ça concerne entre un sur sept et un sur huit ménages pour l’électricité (13,2 %). C’est pourtant le choix que font la plupart des jeunes dans toute la France.

Seule Strasbourg parvient à tirer son épingle du jeu : si les moins de 25 ans se chauffent aussi à l’électricité, ils sont le plus souvent équipés d’un chauffage central individuel. Ça leur permet de réguler leur consommation personnelle mais la tentation est moins grande de couper la chaudière toute la journée.

 

Il faut quand même prendre les déclarations de froid avec des pincettes. Parce qu’en 2006, quand l’Insee a fait son enquête logement (dernières données en date à ce sujet), les gens ont été peu nombreux à répondre à Bordeaux, Strasbourg, Grenoble et Nantes. Et l’Institut de la statistique n’a pas retenté l’expérience depuis.

Mais quand on regarde les chiffres nationaux, la même chose apparaît.

 

Des politiques (dés)orientées

Les pouvoirs publics se sont donc emparés du problème – du moins en partie. Crédits d’impôt, programme « Habiter mieux », aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’État multiplie les subventions pour lutter contre la précarité énergétique.

Mais elles sont essentiellement destinées aux propriétaires. L’idée est de les inciter à faire des travaux pour améliorer la qualité énergétique de leur logement. Une politique qui « participe à fragiliser les jeunes, qui sont très peu concernés par ces financements », pour Nathalie Duviella. « Quand ils n’ont pas d’enfants, ils sont plus facilement tentés de rompre avec le raisonnement classique “J’ai du mal à payer mon logement mais c’est pas grave.” » Et ils renoncent parfois tout simplement à se loger.

Camille Lafrance, Nalini Lepetit-Chella, Justine Pluchard